PIERRE EMMANUEL

L'Institut National de l’Audiovisuel (INA)

     L’INA, né de l’éclatement de l’ORTF, est créé le 1 janvier 1975. Pierre Emmanuel en est le premier président, nommé par le ministre de l’Information, M. Rossi.

     Pierre Emmanuel espère faire de l’INA un grand organisme de prospective, un centre de réflexion sur les pratiques audiovisuelles. Il explique ainsi son projet : « L’image telle que je la vois, dans le discours actuel, surtout télévisé, me paraît, en général, je dis bien en général, appauvrissante par rapport aux possibilités de l’imaginaire. La plupart du temps, c’est une histoire ou un discours qui se développe selon un flux, qui s’efface en quelque sorte lui-même. Je voudrais créer une nouvelle esthétique, que le cinéma non seulement pressent, mais réalise parfois, surtout le cinéma moderne. Au petit écran, c’est plus difficile, étant donné que l’espace est différent, c’est une espace pauvre et facile à emplir, je veux dire à bourrer. Et ensuite, ce que je voudrais faire, je ne sais pas du tout dans quelle mesure ça sera possible, c’est créer, non seulement un style, mais encore une nouvelle façon de se servir de l’image, de structurer le langage imaginaire, de telle sorte que, sur le petit écran, il y ait, comme dans l’ensemble de l’univers esthétique contemporain, une recherche passant par des ruptures, par des chocs entre les images, les sens, etc., qui soient provocateurs de l’attention » (« Un poète interroge le futur », Plein soleil, 22, novembre-décembre 1975).

     Pierre Emmanuel démissionne pourtant en janvier 1979, à la suite de l’interdiction d’un documentaire sur les patrons, goutte d'eau qui le convainc qu'il ne peut réaliser les projets qui l'habitent ni faire prévaloir ses idées.


     « Quel est le rôle de l’Institut ?

     D’abord, de conserver. L’ORTF possédait une richesse considérable : enregistrements sonores, films, bandes vidéo, qui sont vraiment la mémoire visuelle de notre pays. Son inventaire reste à faire : sa conservation doit être assurée dans les meilleures conditions : son utilisation et les prêts qu’elle implique devront être réglementés pour assurer la sauvegarde de ce patrimoine. Enfin, une obligation de dépôt légal pourra être envisagée.

     Deuxième tâche : former les hommes. (…) Mais il ne s’agira pas uniquement de former des techniciens : il faudra donner à des créateurs le moyen d’acquérir un nouveau langage, qu’il s’agisse de jeunes écrivains au contact de l’image ou de réalisateurs de cinéma devant la technique vidéo. (…)

     Troisième tâche : la recherche. Son service, trop mal connu en France, a la plus haute réputation à l’étranger. À ma connaissance, il est unique au monde. À côté de cette tâche créatrice, l’Institut devrait développer, peut-être en liaison avec l’Université, la réflexion sur le langage des media. (…) Savoir comment sont perçues les images, quels messages elles font transmettre, comment passer de l’imprégnation à la lecture critique : quelle liberté le spectateur peut garder devant elles, ou comment il peut en être drogué. Question difficile, qui est peut-être l’une des plus graves de la civilisation de demain, quand nous risquerons d’être submergés par des images venues de partout, par un chaos d’information qui "déréalisera" notre expérience quotidienne. »

« Le grand chantier de l’imaginaire », Le Figaro, 20 septembre 1974.

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