PIERRE EMMANUEL

L'acccomplissement du poète

     En 1970, Pierre Emmanuel publie Jacob, ouvrage aussi important pour lui que Tombeau d’Orphée. Avec cet ouvrage imposant, le poète trouve définitivement sa voix et ses dimensions : de l’origine jusqu’à l’accomplissement dans le silence, il réfléchit inséparablement sur l’histoire de l’homme et l’incarnation de la parole. La figure de Jacob lui permet de sortir de l’impasse où il semblait s’enfoncer précédemment : Dieu ne demande pas au poète de renoncer à sa création (« Sans offense à Dieu, je crée des mondes », explique-t-il dans une conférence) mais de lutter avec elle et avec Lui. La parole propre du poète, sa voix singulière et universelle, se crée dans ce combat et en témoigne.

     Suivent d’autres grandes cosmogonies : Sophia, bâtie comme une cathédrale, vaste méditation sur le féminin (1973), Tu (1978), fresque de l’Esprit qui souffle où il veut, et enfin Le grand œuvre.

 

     1975. Pierre Emmanuel rencontre une jeune femme qui sera la figure féminine de la trilogie du Livre de l’homme et de la femme : Una ou la mort la vie (1978), Duel (1979), L’Autre (1980). Pierre Emmanuel écrit dans la préface de ce dernier ouvrage : « À quarante ans de distance, la quête de l’auteur est restée celle d’Orphée. Mais il va maintenant vers la lumière, alors que jadis l’obscur l’appelait. Il sait ce qu’il ignorait autrefois ; que la poésie, à son corps défendant, l’a fait entrer dans le vrai lieu du destin, l’invisible. La trame de son existence coïncide avec un grand rêve éveillé qui dévoile, sans que toujours il le saisisse, ce que cette existence lui cache de soi. Peut-être les faits n’ont-ils un sens pour qui les vit qu’à partir du moment où il les sent qui lui échappent. La vie serait-elle, d’une manière indivise, une échappée du sens, une échappée vers le sens ? » Ces livres sont une étape essentielle du cheminement du poète, parallèles aux cosmogonies.

.../...