« À une époque où le lyrisme se porte court, un poème de 300 pages comme l’Évangéliaire de Pierre Emmanuel ne peut guère passer pour une concession à la mode. Circonstance aggravante : le contenu correspond bien au titre. Le poète de Babel a choisi de nous conter l’existence terrestre du Christ, en enlumineur médiéval et en homme du XXe siècle, le scepticisme de celui-ci retouchant sans cesse la foi naïve de celui-là. Un tel recours aux Évangiles, qui sous-entend une fidélité formelle au discours organisé, ressemblerait fort chez un autre à une fuite vers le passé. Il n’en est rien. Jamais Pierre Emmanuel n’a serré d’aussi près le tragique de son siècle que dans cette évocation biblique sévèrement dépouillée de tout exotisme.
(...) Seul un artiste en pleine possession des ressources de son art pouvait s’offrir le luxe d’une parole aussi simple et souple. Évangéliaire n’est pas une suite de poèmes, mais bien un "édifice poétique" dont chaque pierre verbale accentue la légèreté. »
Marc Alyn, « Trois solitaires », Arts, 4 avril 1962