Sophia paraît en 1973 aux éditions du Seuil. L’œuvre « peut [...] se lire comme un ensemble de variations sur une figure féminine à la dimension charnelle et spirituelle, de surcroît enracinée dans une tradition qui n’est que pour une part catholique et tient pour le reste aux mythes antiques comme aux spéculations gnostiques. L’animation particulière du recueil doit également à la coexistence, en forme de dialogue et de tension, entre vers et prose, ampleur et resserrement, véhémence ou violence et solennité liturgique.
La composition de Sophia est [...] remarquable. [...] [I]ci le désir d’une architecture est comme mis en abîme puisque chaque section du recueil correspond à l’une des sept parties d’une église — porche, tympan, chœur, abside, dôme, nef, rosace — et glose la valeur symbolique et liturgique des éléments de cette construction cathédrale. [...]
En édifiant poétiquement les sept parties d’une église, Pierre Emmanuel accomplit le projet d’un véritable art sacré, dont il formulait en 1963 le principe en écrivant : "[...] je me suis voulu bâtisseur. Restaurer l’art monumental, le Temple, en un temps qui confond protéisme et jouvence et regarde tout édifice comme caduc ou prématuré, ne me semblait pas un projet supérieur à mes forces" (Le goût de l’Un, Paris, Le Seuil, 1963, p. 92). Ce que le poète revendique, c’est ici une forme qui, ainsi qu’on le dit de l’ordre des cieux, raconte la Gloire de Dieu, et propose dans l’ordre du créé l’image de l’accomplissement par opposition à celle, si fréquente dans l’œuvre, de l’homme en fœtus mort-né. »
Aude Préta-de Beaufort, notice de Sophia, Œuvres poétiques complètes, t. 2, L’Âge d’Homme, 2003, p. 1265-1272.
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