PIERRE EMMANUEL

Cantate, oratorioInédits

     Les formes musicales ont toujours attiré Pierre Emmanuel. Initié à la musique par le compositeur Wolfgang Simoni (Louis Saguer) durant la guerre, il envisage d’écrire avec lui un oratorio dont la trace s’est perdue.
     Plusieurs œuvres portent la marque de ce goût pour les formes chantées de la parole, dans certains poèmes (« Jean-Sébastien Bach », « Automne à la gloire de Bach » dans Orphiques par exemple) ou dans des formes plus complexes. Pierre Emmanuel les trouve appropriées à la radiophonie et les utilise pour décliner les mystères du temps liturgique chrétien.

 

     Le Vendredi saint 8 avril 1955 est diffusée une Cantate du Vendredi saint (durée 1 h 30) en trois actes alternativement parlés et chantés, entrecoupés d’intermèdes musicaux. Le texte s’ouvre sur le repas de la Cène (chœur puis récitatif) et déroule le texte biblique et les commentaires de Pierre Emmanuel jusqu’à la mort du Christ en croix.
     Plusieurs des poèmes de cette œuvre sont repris dans Visage nuage et dans Versant de l’âge.
     L’ensemble est très méditatif et vise à faire entrer les auditeurs dans la profondeur du mystère chrétien, en particulier à donner à chacun la conscience de sa participation à la crucifixion et à la grandeur de l’amour divin déployé en ce jour.

 

     Le Mystère de Noël est une œuvre composite, collective. Oratorio, diffusé le 24 décembre 1962, il comprend 4 parties : « L’Annonciation », « Recensement et la venue à Bethléem », « Nativité », « Adoration des mages ». Pierre Emmanuel propose des poèmes pour la première et la troisième partie, présentés sur fond musical. On les retrouve dans La nouvelle naissance : ils encadrent alors le cycle de la Passion.
     Loys Masson, son ami depuis les années 1940, Luc Estang et d’autres participent eux aussi par leurs textes à cette production.

 

     En 1980 l’église protestante célèbre le 450e anniversaire de la Confession d’Aubsbourg. Pierre Emmanuel est alors sollicité par le pasteur Jacques Fischer, et présente un oratorio joué les 23, 24, 25 juin 1980 au Cloître des Billettes, Paris, par un groupe spécialisé dans l’expression gestique et liturgique : Emmaüs. Pierre Emmanuel présente ainsi son œuvre :
     « (…) Je me suis posé la question : Qu’est-ce, au fond, pour les chrétiens d’aujourd’hui (catholiques, orthodoxes, luthériens, réformés, etc.), que d’être, ensemble, des chrétiens ? Et de l’être non pas entre eux, mais à travers leur histoire divisée et contre elle, bien qu’en elle ; de l’être dans un monde athée qui professe à la fois l’absurdité de l’histoire et celle de l’homme qui la fait ; de l’être dans un univers éclaté où d’autres grandes traditions, aujourd’hui, interrogent nos esprits sur une conception de Dieu qui ferait sa place à leurs intuitions fondamentales ; de l’être enfin dans un cosmos, dans une nature, à l’égard desquels l’homme se découvre une responsabilité de locuteur, et qui lui posent la question d’un salut tout-englobant.
     (…) Sans doute sommes-nous en des temps aussi décisifs que celui de Luther, mais cette fois planétaires, où le fait d’être chrétien peut apparaître comme un provincialisme que les syncrétismes auxquels on nous invite réduiraient, je pense, au contraire, que le fait d’être chrétien exige un dépassement mental, une révolution copernicienne de nos habitudes, qui nous fasse accéder à l’universalité inhérente à la personne du Christ : nous sommes requis de penser la forme universelle du christianisme, ce qui devrait modifier très profondément nos langages particuliers et nous permettre d’être ensemble les ouvriers de la même vigne, des ouvriers communicants. »
     L’oratorio est repris ensuite dans Le grand œuvre, dont il constitue l’avant-dernière partie, juste avant « Fenêtres ».