Lieu commun : cette expression m’est chère, justement par ce qu’elle a d’apparemment péjoratif. Lieu piétiné, foulé en rond, battu et rebattu comme l’endroit d’une perte, où depuis toujours, toutes pistes brouillées, l’homme ne reconnaît plus ce qu’il y cherche. Ici est caché le trésor de l’enfance, l’objet de désir qui passe tout désir. Malgré lui, l’adulte y retourne sans cesse : il ne saura jamais s’il a retrouvé le trésor. Les espaces des premières années ont rétréci à notre échelle présente : une grâce répandue autrefois sur les choses s’est évanouie des objets. Elle se dérobe en s’éloignant vers l’intérieur, invite phosphorescente, lumineuse à proportion de la profondeur des ténèbres. Cette profondeur du lieu commun est l’Orient de notre solitude. Le trésor, pour chacun de nous, gît à la fois dans la chasse en commun et tout au bout de la chasse commune.
La face humaine, « L'homme parle »