PIERRE EMMANUEL

Le centenaire de Baudelaire

     En 1967, Pierre Emmanuel est nommé commissaire général des manifestations de la commémoration du centenaire de la mort de Baudelaire par André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles. Il organise ainsi colloques et conférences en France et en Belgique, écrit à Max-Pol Fouchet pour obtenir que son film marque le seuil de cette année, sollicite des intervenants. Du 15 au 21 octobre 1967 sont diffusées sous sa responsabilité et celle de Paule Chavasse une suite d’émissions diffusées sur France-Culture sous le titre général : « Charles Baudelaire, notre frère inconnu », qui réfléchissent sur le rapport de Baudelaire à l’éros, la femme, l’inspiration plastique, Paris, la névrose, Dieu... Un concert est donné au théâtre des Champs Élysées par l’orchestre de Paris, plusieurs émissions télévisées sont programmées. Pierre Emmanuel se charge aussi de mobiliser les Maisons de la Culture, France-Musique, envisage une rencontre « de poètes francophones, de spécialistes des mass-media, de directeurs des maisons de jeunes et de la culture, sociologues, éditeurs et critiques » sur le thème : « La condition de la poésie dans le monde de la technique ». Il suggère l’érection d’un monument avec le concours de l’État et de la ville de Paris, l’inauguration d’une plaque commémorative rue du Dôme dans le 15e arrondissement de Paris.

     Beaucoup de ces projets se réaliseront, en même temps que Pierre Emmanuel rédige son Baudelaire aux éditions Desclée de Brower.


     « Ce qui nous rassemble ici aujourd’hui, c’est, au delà de l’étude scrupuleuse de l’œuvre d’un homme, la personnalité, la présence de cet homme lui-même. Baudelaire n’est pas seulement le premier des poètes modernes, celui à partir duquel la poésie moderne commence, mais il est pour nous tous plus ou moins, comme le disait T. S. Eliot, un archétype du poète, de la poésie. Nous avons tous conscience qu’avec lui, comme avec certains de ses grands aînés, Hölderlin par exemple, l’œuvre s’identifie au Destin, non pas d’une manière visible, mais dans la profondeur de l’être. Et c’est pourquoi nous sommes reconnaissants à tous ceux, professeurs, commentateurs, poètes, qui ont scruté l’énigme de cette vie et qui ont essayé d’en montrer la portée spirituelle ; de montrer en particulier comment un échec fondamental peut être dominé, comment la matière d’une souffrance peut être transfigurée dans une oeuvre éternelle, oeuvre qui, quels que soient les défauts apparents qu’elle révèle à certains, porte en elle une telle énergie de profération que c’est certainement, soit que nous la lisions dans le silence, soit que nous l’articulions tout haut, l’une de celles qui ravage encore le plus les consciences. »

                      Allocution aux journées Baudelaire en Belgique, Bruxelles,
                                           12 octobre 1967 (Extrait)