Publié en novembre 1955 aux éditions du Seuil, Visage nuage « n’a ni le souffle épique ni la puissance visionnaire de Babel, ni la mesure de Chansons du dé à coudre. Pourtant il tient de l’un et de l’autre. Dans le sillage du premier, il propose des méditations-variations sur certains sujets bibliques ; au deuxième il emprunte une poésie-commentaire du temps qui passe et des événements qui le jalonnent. [...]
Visage nuage est une sorte de poésie-journal : journal de ce qui défraie la chronique, journal de la mémoire poétique ("In memoriam Dylan Thomas"), de la poésie qui se fait et défait ("Art Poétique"). Dans l’un et l’autre cas, une sagesse ironique et désenchantée, un sourire moqueur gardent la polémique en deçà du registre prophétique (cf. "Bénédicité"). Le poète chante, accompagné par la musique des vers et des rimes. [Plusieurs poèmes avaient été entendus dans Cantate du Vendredi saint, émission diffusée le 8 avril 1955 par la Chaîne nationale, d’autres avaient paru dans des revues.]
[Pierre Emmanuel y] reprend [...] des thèmes récurrents de sa poésie : le double, la pierre [etc.] [...] "Visage nuage", le poème éponyme du recueil cherche à dessiner un visage insaisissable [...] car le visage de l’homme se confond avec le visage de Dieu. L’homme qui défigure le monde de sa haine, défigure son propre visage, avant de découvrir que c’est le visage du Christ, présent en tout homme, qu’il a meurtri : "[…] son vrai visage / Est la face agonisante de Dieu". »
François Livi, notice de Visage nuage, Œuvres poétiques complètes, t. 1, L’Âge d’Homme, 2001, p. 1183-1185.
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