Versant de l’âge paraît en mars 1958 aux éditions du Seuil. Plusieurs de ses poèmes, comme ceux de Visage nuage, avaient été entendus au cours d’une émission radiophonique diffusée le 8 avril 1955 : Cantate du Vendredi saint, d’autres avaient paru dans des revues. Le livre « s’ouvre par une longue préface : Au commencement la parole, [...]dans laquelle le poète [...] défend sa conception de l’homme et de la poésie. "Si l’homme moderne bute à son non-sens, c’est qu’il a mal entendu son énigme. Il s’énonce comme un problème, et, le problème énoncé, constate qu’il ne s’intéresse plus. En se présentant comme un problème, l’homme s’exile d’avance de son énigme : il se pose absent a priori" (p. 18). Tout commence par la parole, car c’est elle qui fonde l’humanité du poète [...]. C’est elle aussi qui dit l’évident et mystérieux rapport de l’homme à l’Être. "Ma vocation est de présenter l’homme dans la certitude et le vertige de la foi : l’homme dans son intégrité et sa misère, dans son énigmatique et contradictoire vérité" (p. 23).
Ce n’est donc pas par hasard que le mot "Dieu" (qui a définitivement conquis une majuscule) est le premier et le dernier de Versant de l’âge. [...] L’inspiration biblique de certains poèmes, dans lequel Pierre Emmanuel utilise d’amples versets, relie Versant de l’âge à Babel. Cependant Versant de l’âge est très proche, et pas seulement au plan chronologique, de Visage nuage : dans sa configuration de poésie-journal, dans sa recherche identitaire, dans ses tâtonnements. [...]
[Huit sections d’inégale longueur – "Les eaux de contradiction", "Nous enfants d’Hiroshima", "Dies irae", "Interrogatoire", "Le pain et le sel", "Sagesse", "Versant de l’âge", "Éternel retour" – mêlent] « poésie-prière », « liturgies blasphématoires », érotisme, « satire amusée de la bêtise ambiante », [réflexion sur le visage, poèmes courts proches des Chansons du dé à coudre.]
François Livi, notice d’Élégies, Œuvres poétiques complètes, t. 1, L’Âge d’Homme, 2001, p. 1186-1188.
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