« J’ai lu tout Balzac, précisément, au moins une fois, et c’était pendant la guerre, en 1943 et 44. (…) Je dois dire que je n’ai pas pu m’arracher à l’œuvre une fois que je l’ai commencée. J’ai eu la chance de trouver à ce moment-là les 10 volumes de la Pléiade et je les ai lus d’un bout à l’autre, d’ailleurs sans aucun ordre, dans l’ordre où se présentaient les livres. Je ne sais pas du tout si Béguin m’en ferai compliment. Mais enfin ce qui est certain c’est que à ce moment-là j’ai eu l’impression de pénétrer dans un monde où toutes sortes d’analogies indéfinies se présentaient à moi. Les personnages se répondaient les uns les autres, et véritablement il fallait une série de clefs du cœur qu’il aurait fallu avoir le temps de collectionner, il aurait fallu mettre en parallèle les divers personnages, voir quels étaient leurs rapports, pour arriver à sentir quelle était l’épaisseur, la complexité psychologique et aussi la complexité d’imagination que ce monde-là nous offrait. Et cela, malheureusement, je n’ai pas eu le temps de le faire, et maintenant je sens très bien à sept ans de distance qu’a été pour moi cet évènement de la lecture de Balzac, je sens très bien que beaucoup de ces analogies que j’avais perçues, beaucoup de ces personnages qui m’étaient si vivants alors ont disparus de ma mémoire. »
À propos de Balzac, émission radiophonique diffusée le 2 décembre 1959