« Il m’arrive d’être obligé d’attendre un mois pour qu’un système d’images que je sens, qui doit se grouper autour d’une thématique générale, l’exprimer, l’approfondir, l’élargir, enfin la situer dans sa totalité, me vienne ! (…) Il faut attendre, il faut se battre, il faut bafouiller, il faut gratter, il faut recommencer plus de quarante fois… Je tape à la machine savez-vous, alors je tape trois vers, ça ne va pas, j’enlève le papier, je recommence, ça ne va pas, et il m’arrive parfois, comme ça, pour trois ou quatre vers, je regrette de le dire, mais enfin c’est comme ça, c’est un vrai gaspillage, de taper trente, quarante fois les mêmes choses ! parce qu’en tapant 30, 40 fois les mêmes choses, il se fait comme une espèce d’obsession, de martèlement, le rythme vous entre dans la peau ; et alors brusquement, eh bien brusquement, vous trouvez. (…) Il faut accepter d’être en relation avec un secret qui se dit à travers vous. (…) Je suis persuadé que nous ne sommes que les mediums d’une réalité qui a besoin de nous pour se dire. Et que nous sommes beaucoup moins individualisés que nous ne le croyons en tant que créateurs. Nous sommes très impersonnels. Mais c’est de cette impersonnalité même que nous tirons notre force : parce que nous touchons par elle à un fond originaire de l’humain. »
Des mots dans un certain ordre assemblé, émission radiophonique, 16 avril 1983